Vendredi, 3 avril 2020
Il y a maintenant plus de deux semaines que l’atelier s’est déplacé et fragmenté. Les plus lointain
es d’entre vous sont à 600 km (soit 10 heures de vol ininterrompu pour une hirondelle), d’autres à moins de 6 km (10 minutes pour un chat en surpoids ou 12h30 pour un escargot entrainé).Les dispositions sanitaires de distanciation sociale édictent des règles contraignantes, certaines villes ont mis en place un couvre-feu, et partout nous ne pouvons nous déplacer qu’avec une attestation et dans un rayon de 1 km autour de nous.
Le mot « confinement », répété et asséné, nous encercle de toutes parts, je vous conseille d’en régénérer l’écoute par celui de « confins » - du latin confinium/plur. confinia : « limites communes à des terres » de cum « avec, ensemble » et finis « limites ». Le tracé peut séparer mais aussi relier, comme une couture, un bord, une crête, un rivage.
J’ai réalisé une des cartes possibles cette nouvelle géographie de l’atelier que j’appelle « l’atelier éclaté » :
Dans cette représentation subjective, les rivages maritimes et fluviaux se mêlent et deux échelles doivent se superposer pour nous inclure toustes : celle du plan de Lyon et celle de la carte de France. Cela entraine que Venezia se met ici à côtoyer la Part-Dieu (ce qui historiquement n’est pas stupide car jusqu’au XXe siècle, la zone était régulièrement inondée par le Rhône non encore canalisé).
Par un heureux hasard, Vaduz, la capitale du Liechtenstein, se retrouve ainsi entre la place des Terreaux et celle de Bellecour. Cela nous permet, comme un point d’entrée vers une 3e échelle cartographique, de nous mettre en lien avec le monde entier et ses habitant
es grâce au poète-performer-plasticien Bernard Heidsieck qui, en 1974, traça des cercles concentriques autour de Vaduz et énuméra en un texte proféré de 12 minutes toustes les peuples et ethnies croisé es selon cette carte/partition :Le travail sonore est ici partie prenante de l’écriture et rend tangible le rapport au lointain, qui s’exprime à travers une sorte de brouillage. Cela résonne avec la nécessité de se réapproprier poétiquement, et pas seulement technologiquement, la relation entre le proche et le lointain. L’imagination et la pensée magique connaissaient la télé-présence bien avant la découverte de l’électricité !