La carte, en simplifiant les formes, rend le propos d’autant plus saisissable. Elle donne à voir, à comprendre une problématique et c’est très efficace. La séance démarre par une petite présentation illustrée qui explique les étapes à franchir pour construire nos cartes :
Tout d’abord, choisir un thème et définir une problématique.
Ensuite sélectionner les informations : Il faut faire des choix !
Trouver un titre général et un sous-titre.
Créer une légende, limiter le nombre de couleurs, trouver des symboles, etc.
Faire des esquisses.
Réaliser la carte finale, dater, signer.
Présenter notre travail à toutes et tous.
Nous proposons donc des thématiques. Très vite des sujets émergent : Pour la mobilité, cela se passe comment en Conflent ? Et l’autonomie alimentaire, est-ce une utopie ? Le climat, surtout ! Même ici, on a des îlots de chaleur ! Et le rapport à la nature ? Les cueillettes ? Et qui prend soin de nous (c’est l’un des thèmes des matrimoines cette année) ?
Quatre groupes se constituent autour des problématiques retenues et s’attablent dans les différentes salles. La première phase consiste à définir la façon dont le thème sera abordé, en se posant les questions suivantes : Notre propos est-il bien critique ? d’où parlons-nous ? à qui parlons-nous ? Ensuite, à partir de listes et de tableaux, chaque groupe sélectionne les informations qui lui semblent pertinentes. Les idées fusent, mais il faut se résoudre à n’en retenir que quelques-unes : Il faut prioriser, élaguer, simplifier sans appauvrir.
Nous partageons nos visions du monde et inventons leur dessin. En croisant nos expériences du quotidien nous réalisons que nos situations ne sont pas si différentes les unes des autres. De cette prise de conscience naît enthousiasme, complicité, un sentiment fédérateur. Ces débats sont déterminants pour la suite de l’exercice.
On passe alors au dessin : choix de symboles parlants, agencement des éléments sur le plan, recherche du titre. Plus celui-ci est trouvé tôt, plus le travail sera facilité. Au départ malhabiles avec les crayons, nous nous enhardissons au fur et à mesure de l’avancement de l’ouvrage. Les discussions sont vives et le niveau sonore augmente en conséquence… Émergent des propositions graphiques. Elles sont testées et discutées et, au fil des esquisses, une idée finit par faire consensus. Ce travail de peaufinnement graphique prend au moins deux heures.
Au final quatre puissantes cartes voient le jour :
« Se soigner dans le désert, l’expérience médicale en Conflent » dessine une spirale qui illustre la difficulté d’accès aux différents types de soins rencontrée - notamment par les femmes - dans la région. Très efficace, cette symbolisation graphique foisonne d’indications et précisions : structures, équipements, temps, argent, distance sont autant de critères qui renseignent comment « se soigner » en habitant un territoire rural. Le constat est sans appel.
« Mobilités douces à Prades... galères quotidiennes » s’organise à partir d’une représentation géographique classique de la cité. Les parcours entre les principaux équipements (santé, scolarité, commerces alimentaires, gare) sont qualifiés : trajet dangereux, chemin de survie, zone mortelle. La durée des déplacements est également indiquée. Cette carte met en évidence le manque énorme de liaisons entre ces équipements qui semblent avoir été positionnés au gré des opportunités sans réelle approche globale et structurante. On s’indigne de la non prise en compte flagrante des usagers non motorisés...
« Les quatre saisons du bonheur, ressources dans le Conflent » se veut une carte utopique qui recense les ressources naturelles et culturelles du territoire. La carte figure en position médiane le réseau hydrographique avec les principales localités et de part et d’autre les montagnes et leur cortège de ressources. Les ressources culturelles sont déclinées entre lieu privé, collectif / associatif et publics (équipement, fête de village). C’est une carte joyeuse qui témoigne de la richesse de l’environnement, de sa générosité au fil des saisons. Un pied de nez aux temples de la consommation capitaliste !
« Cargolade en Conflent » illustre avec beaucoup d’efficacité l’épreuve que subissent les piétons lors de leurs déplacements dans la petite ville de Prades dès que la chaleur augmente. Le centre-bourg (altitude 355 m) se transforme en une véritable fournaise. Le choix de coloration est immédiatement signifiant. Parallèlement, une habitante de Fillols, village situé à 800m d’altitude, dessine son parcours en quête de fraîcheur dans les hauteurs (45mn de déplacement automobile pour rejoindre un col à 1700m d’altitude). Sans commentaire.
Le dernier moment de l’atelier est celui de la présentation argumentée de notre travail devant tout le groupe. L’une après l’autre, les cartes et les démarches sont expliquées aux autres. S’ensuit une discussion entre toutes les personnes présentes. Cette cartographie radicale est en fait aussi radiale, car elle a réunit tout le monde autour d’une table pour échanger des arguments dans la ronde, les soupeser pour les garder ou les révoquer, puis les synthétiser dans une grande image centrale.
Au vu de l’importance des problématiques abordées, la question se pose de présenter ou non nos cartes aux décideurs locaux. Cette perspective n’enchante pas les participantes, échaudées au regard du peu de prise en compte de leur précédentes demandes et revendications. Peut-être faudrait-il sensibiliser l’association La Forge Citoyenne en Conflent ?
Affaire à suivre…
Ces cartes sont présentées par Laetitia, Martin, Olivier, Mélanie, Anaïs et Hélène dans un beau podcast réalisé par l’association Beau bruit :








