L’atelier démarre par un tour de table : chacun
e de nous exprime ses souhaits, ses craintes, sa façon de voir l’avenir et, bien sûr, convoque son imagination. « Montée des eaux » signifie repenser l’espace, les usages agricoles, l’habitat, le vivre-ensemble et la nature. Et c’est parti.L’un de nous montre une carte avec une hausse du niveau de la mer de 10 mètres, une autre participante commence alors à crayonner le nouveau trait de côte. Une carte en relief, glanée à la Géothèque, met en évidence que les premiers promontoires de refuge se situent sur un axe nord-ouest/sud-est. C’est le sillon de Bretagne.
C’est ici qu’on imagine la concentration de population qui a dû migrer depuis les côtes. Du rose pour cette zone de population, du rose aussi pour les secteurs nantais non inondés. Du rose pour l’habitat de toute la région. Bien sûr, nous voulons un habitat collectif à Nantes et sur le sillon. Et de l’habitat communautaire autour de zones vertes que nous créons. Le vert correspond aux zones nourricières. La forêt du Gâvre est plus dense. Elle couvre une bonne moitié du nord du département. Les axes marqués en rouge signalent la priorité donnée aux transports en commun. Le fleuve, élargi avec la montée des eaux, est le vecteur principal des communications.
Quelle tristesse ! La Côte de Jade et la Côte d’Amour n’existent plus. Saint Nazaire est remplacée par New Nazaire. Le nouveau port de pêche est à Savenay. Sur la carte sont mentionnées les cités englouties, les mangroves basées du côté de Grand Lieu, les dunes au pied du Sillon de Bretagne, une faune nouvelle (serpents, alligators...).
Les énergies sont développées autour d’éoliennes en mer et d’une usine marémotrice. L’eau pour les terres agricoles et pour les besoins humains est captée sur la base des sources existantes et sur des aqueducs de partage avec les territoires voisins du nord et du sud. Ainsi, la ressource en eau est rare, mais elle est exploitée à son maximum. Sur l’énergie, il n’y a pas de baisse notoire de son utilisation, puisque éoliennes et usine marémotrice marquent le paysage côtier.
On observe, sur ce territoire aux terres émergées réduites, un espace complètement remodelé par les humains. Ces derniers ont dû agir de manière un peu autoritaire afin de maintenir leur vie sur la terre sans tenir compte du reste des vivants. On est un peu sur de l’éphémère, du sauve qui peut. On reproduit, malgré de grands discours environnementalistes, les erreurs du passé. Pour le bien de la planète, on impose quand même l’habitat collectif, afin de laisser de la place à Dame Nature. Mais, celle-ci est, encore, malmenée par la forte présence de zones nourricières, et d’axes de mobilité.
Cette carte « Nantes + 10 m » nous fait la part belle, à nous les humains. Elle entretient l’espoir que dans 100 ans ou 300 ans, la vie humaine sera encore possible. À y regarder de plus près, sur cette carte, c’est encore nous qui gagnons...
« Le Zion de Bretagne », tel est le titre que nous avons choisi pour notre carte, avec le sous-titre « Nantes + 10 mètres ». En voici les raisons :
1. Le sillon de Bretagne est le premier promontoire de Loire Atlantique lorsque l’on vient de la côte. Le sillon de Bretagne est une ligne d’escarpement qui fait partie (géologiquement parlant) du cisaillement sud-armoricain.
2. « Sillon » est remplacé par « Zion ». Zion, c’est la dernière ville qui survit à un cataclysme dans le film Matrix. Zion, c’est aussi Sion, le nom théologique de Jérusalem [1]. Zion, devient donc pour la population de Nantes le centre des terres. Surprise ! L’un des participants nous indique que Nantes est, de toutes façons, le point central de l’hémisphère continental.
3. Le sous-titre ne mentionne pas de date précise, c’est voulu. Le groupe a préféré indiquer seulement la variation du niveau de la mer, d’où ce sobre « Nantes + 10 m ». Nous aurions pu partir d’une hausse du niveau de la mer de 70 mètres. C’est celle qu’induirait la fonte de tous les glaciers de la Terre. En regardant la carte de Perrin Remonté, on comprend que la Loire Atlantique aura, dans ce cas, pratiquement disparu. Nous sommes resté es plus raisonnables dans nos « prédictions » (ou nos peurs).
Mais peut-on vraiment s’adapter au changement climatique ? Est-ce vraiment tout ce qu’il nous reste à faire ?
Cet atelier était proposé à l’occasion de la parution de Ceci n’est pas un atlas ! aux Éditions du commun. Parmi les participant es, il y avait bien sûr des passionné es de la cartographie, comme en témoignent les vidéos du sauvarjon et les sites de l’artiste Nathalie Kopp et de l’agence de presse Le Plan. Voir aussi le site du collectif pol-n.