Le petit livre Die bunte Welt, soit Le monde en couleurs [2], entièrement illustré d’Isotype, a paru en 1929. On y trouve une carte titrée « Les régions végétales et leurs habitant es ». Ce titre nous dit que l’être humain n’est que l’un des éléments de son environnement naturel, et qu’il en est entièrement dépendant. La géographe Anne Buttimer aimait ainsi à rappeler qu’être un humain, un « humanus », c’est habiter la Terre, vivre sur son sol (« humus » signifie terre en latin) [3].
C’est la répartition géographique des végétaux à la surface de la terre qui détermine le découpage en zones. De gauche à droite, nous trouvons les régions suivantes : glace, manteau végétal arctique, forêts et terres cultivées de la zone tempérée, manteau végétal subtropical riche et moins riche, steppe sèche de toutes les zones, désert de toutes les zones, manteau végétal tropical riche et moins riche. Dans l’ouvrage, une carte voisine nous permet de retrouver ces intitulés. Sur le graphique qui nous intéresse ici, ce message est en fait porté par les seules images de végétaux typiques de ces zones.
La taille des rectangles correspond aux surfaces effectives des régions. La règle graduée située sous l’image permet de déterminer des bandes de 5 millions de km2 chacune. On comprend immédiatement que les surfaces des zones tempérée et tropicale sont de loin les plus grandes.
La population pour chaque zone est représentée par des silhouettes humaines, chaque figure correspondant à 50 millions de personnes. Ainsi, la densité de population apparait naturellement comme la hauteur de l’empilement des silhouettes. On retrouve, présentée de façon très pédagogique, la logique de constitution de l’histogramme. Comme toujours les chiffres dans l’Isotype sont arrondis : « Se souvenir d’images représentant des quantités simplifiées vaut mieux que d’oublier des chiffres exacts. » [4] Il suffit d’additionner les symboles regroupés par 4 pour trouver le nombre représenté et comparer les masses entre elles.
Rassembler différentes échelles (les végétaux, la surface au sol et les pictogrammes) sur une même représentation spatiale signe le refus d’une recherche de l’analogie avec le territoire, forcément trompeuse. C’est aussi un choix de design graphique pour le moins audacieux. Ressortent les informations qu’il est intéressant de croiser : les zones très froides ou très chaudes comptent chacune moins de 50 millions d’habitant
es (pas de symbole) - les zones tempérée, subtropicale et tropicale ont des densités voisines - pourtant la zone subtropicale est près de 4 fois plus petite. Pourquoi est-ce ainsi ?