Cartes en mouvement

Publié le 7 novembre 2023

À une époque marquée par la mobilité mondiale et la multilocalité, la vie quotidienne et, dans beaucoup de cas, la subsistance sont de plus en plus déterminées par la possibilité ou l’impossibilité de se déplacer. Personnes, marchandises et idées « translocales », c’est-à-dire en mouvement, transforment les zones urbaines, les paysages, les territoires. Afin de faciliter l’analyse et la visualisation d’un espace-temps en mouvement, il convient d’adapter nos approches cartographiques. Que pouvons-nous alors apprendre des cartes de personnes en mouvement ?

par Elisa T. Bertuzzo, ethnographe et urbaniste [1]


L’hypothèse de la translocalisation

Il y a plusieurs années, en observant comment les gens arrivaient, s’installaient et travaillaient à Dhaka et repartaient après quelques mois, je commençai à m’intéresser à ce que j’allais bientôt nommer « translocalisation ». Les observations présentées dans cet article sont issues d’un travail de terrain en plusieurs phases, réalisé au Bangladesh et en Inde entre 2007 et 2015. Elles révèlent l’importance croissante d’être ou de se faire mobile et d’une multilocalité qui accompagnent la perte de moyens de subsistance stables et permanents par les habitantes, et des villes et des campagnes, du monde entier.

Cette évolution, constatée au nord et au sud de l’équateur [2], nous force à réviser et à adapter les approches empiriques de nos études sur la production de l’espace dans la vie quotidienne. De nombreuses chercheuses et chercheurs en anthropologie, sociologie et sur les migrations travaillent déjà dans ce sens. Elles sont autrices de diverses enquêtes ethnographiques multi-sites (Marcus 1995), par exemple, et analysent les « immobilités » qui rendent la mobilité possible - infrastructures, réseaux locaux, structures familiales, personnes en charge du travail de reproduction, etc. (Sheller/Urry 2006). De même, dans les domaines de la géographie, de l’urbanisme et de l’économie, nous avons déjà plusieurs études, visualisations et simulations des déplacements à différentes échelles des gens, des biens, de l’argent (Scheppe 2009). Comment la cartographie, dans ce contexte de mobilité augmentée, peut-elle aider à découvrir et analyser les transformations de la vie quotidienne des individus translocaux et de leurs représentations de l’espace-temps ?

D’entrée de jeu, je souligne que si l’hypothèse de la translocalisation s’avérait exacte, nous devrions revoir bien plus que les outils de nos enquêtes empiriques et de nos cartographies, car c’est toute une épistémologie de la production de l’espace qui pourrait être remise en question [3]. Malgré l’intérêt croissant pour les migrations, circulaires ou saisonnières, permanentes ou temporaires, dont témoigne toute une série de publications, nous commençons à peine à développer des conceptualisations qui relient le simple fait empirique – que les personnes, les biens, l’argent, les investissements et l’information se déplacent de plus en plus – à des implications théoriques plus profondes (et, à travers elles, à une critique efficace du présent).

La plupart des études urbaines et l’urbanisme, par exemple, continuent de considérer l’installation permanente comme la normalité et le mouvement comme l’exception. Le philosophe Thomas Nail a remis en question cette posture en affirmant que « considérer la migration et le mouvement comme un manque… revient à dissimuler les conditions d’expulsion requises par l’expansion sociale. C’est traiter la migration comme un ‘phénomène malheureux’ plutôt que la nécessité structurelle des conditions historiques de la reproduction sociale. En d’autres termes, comprendre la migration et le mouvement comme un manque, c’est accepter la banalité de la dépossession sociale » (Nail 2015 : 12).

Nail distingue deux types de mouvements : le mouvement extensif, quantitatif, comme changement de lieu, ou traduction ; et le mouvement intensif, qualitatif, qui comporte un changement de l’ensemble, une transformation. Ainsi, « [l]e migrant ne semble installé de manière ‘permanente’ que du point de vue de [son] mouvement extensif entre des points sociaux supposés statiques (sites, États, régions, etc.). Cependant, du point de vue de [son] mouvement intensif, un migrant change continuellement les points supposés statiques d’où [il] est parti ou vers lesquels [il] arrive « (Nail 2015 : 30). Par la suite, il conclut que la migration est toujours circulatoire. La migration doit être comprise comme un processus circulatoire non seulement parce que le migrant, en entretenant des relations dans son pays d’origine et dans son nouveau lieu de résidence, relie les lieux de « départ » et d’« arrivée ». Mais plus radicalement, parce que la circulation-migration est étroitement liée à la logique capitaliste de l’expansion par expulsion, qui oblige constamment les gens à chercher des vies acceptables ailleurs. Parler d’« expulsions », comme le fait Saskia Sassen dans le livre éponyme (2014), cité par Nail, n’est pas une exagération : cela reflète l’expérience brutale d’un nombre historiquement sans précédent de personnes qui se déplacent dans le monde entier parce que les emplois et les moyens de production - sinon les conditions de base de la survie (terre, eau) - leur ont été retirés [4].

Une composante évidente et la toile de fond de la translocalisation est en effet l’épuisement : épuisement de la nature et de ses capacités de reproduction, en particulier du sol, mais aussi épuisement de la main-d’œuvre et du marché du travail. Les niveaux extrêmes d’extraction, de surculture, de pollution, de privatisation et, bien sûr, les continuelles enclosures qui caractérisent le « capitalocène » (Moore 2016), ont amené la planète au bord d’une crise écologique insurmontable.

À gauche : Carte montrant l’effet de l’érosion fluviale provoquée par le barrage de Farakka, construit par le gouvernement indien en 1961-1975 près de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh. À droite : Jusqu’à aujourd’hui, les victimes de l’érosion fluviale n’ont d’autre choix que de partir pour la ville ou de se réinstaller sur les chars, ces îles de sable formées par la sédimentation du Gange.
À gauche : © Ganga Bhangan Protirodh Action Nagorik Committee, Rajmahal. À droite : © Elisa T. Bertuzzo 2013.

Une évolution corrélative et non moins critique à l’échelle mondiale est le fait que le travail agricole, dont dépendaient autrefois des millions de personnes, devient soit obsolète, soit discontinu, soit effroyablement peu gratifiant (Shiva et al. 2000), tandis que l’automatisation et la numérisation ralentissent ou endiguent la création d’emplois industriels et tertiaires [5]. Dans les villes comme dans les campagnes, ceux qui perdent leur emploi et ceux qui, autrefois, auraient constitué la population « surnuméraire » étudiée par Marx, ne peuvent même pas espérer trouver des emplois temporaires au même endroit. Ces processus concomitants et très complexes d’expansion, expulsion et épuisement démontrent un fait très simple : l’« élasticité » que beaucoup attribuent encore au capitalisme – sa capacité de mobiliser et relâcher biens et main-d’oeuvre selon ses demandes – s’étiole, lentement mais sûrement. À bien y regarder, les gens ne se déplacent plus selon un parcours univoque entre la campagne et la ville, ils ne s’installent pas simplement dans des villes (provoquant, selon l’avis de nombreux décideurs politiques, leur « croissance incontrôlée »), comme l’exigerait une économie « élastique ». Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à vivre de manière translocale : nous nous déplaçons entre une multitude de lieux de travail (et, en partie, d’emplois), nous quittons notre domicile à plusieurs reprises pour y revenir après des périodes plus ou moins longues, nous habitons de nombreux espaces sociaux (ou n’en habitons aucun). Il est politiquement important de nommer et distinguer une nouvelle classe, même si elle est encore à définir précisément : j’ai proposé le terme de « people-on-the-move », personnes-en-mouvement (Bertuzzo 2019).

Les conséquences directes et les variations locales de ce phénomène devraient devenir l’objet d’études empiriques spécifiques, car on ne peut aujourd’hui que spéculer sur les transformations induites par la constance de ces déplacements et l’accroissement de déplacements sur des distances de plus en plus grandes et qui conduiront à des mouvements non plus élastiques, mais « lâches ».

Enamul alterne des phases de travail agricole dans son village et des séjours prolongés à Dhaka, la capitale située à plus de 200 km, où il gagne sa vie en tirant un vélo-rickshaw.
Graphique : Boris Murnig © Elisa T. Bertuzzo 2015.

Pour résumer, je qualifie de « translocalisation de la vie quotidienne » (Bertuzzo 2019, 2023) le processus d’adaptation au cours duquel les relations des personnes avec des localités données, leur modes d’(in)habitation, leur compréhension de ce que sont la « présence » et l’« absence » et leurs représentations du « chez-soi », de l’« étranger », etc., s’adaptent à une vie en mouvement. Cette évolution a des implications considérables, notamment sur la manière dont nous représentons l’espace-temps en général et, par conséquent, sur les pratiques de la cartographie.

Incarner et temporaliser les cartes

Qu’est-ce que l’espace-temps ? J’utilise ce terme parce que je ne peux pas concevoir l’espace comme une donnée, comme un contenant dans lequel différentes activités et actions « se produiraient ». Comme l’a soutenu Henri Lefebvre (1991), une telle notion d’espace est empiriquement et politiquement problématique dans la mesure où elle ne tient pas compte des effets du temps sur l’espace et en particulier, du fait que les êtres humains transforment l’espace social avec le temps, en créant de nouvelles organisations, en entrant dans des négociations, en intervenant dans certains espaces. Il suffit de penser à la malléabilité de certains espaces qui se transforment presque d’heure en heure, comme certaines zones de marché, ou à l’occupation fluctuant des rues et des places, des villes et des quartiers résidentiels, au fil des saisons. Cette nature de l’espace comme produit des interactions sociales ne peut pas être négligée dans les études urbaines et régionales, ni dans l’étude des territoires, puisque, tout au long de l’histoire de l’humanité, l’espace social a évolué en même temps que les relations de production, souvent à travers les luttes des populations oppressées. Étudier l’évolution de l’espace (social), quel qu’il soit, revient en fait à étudier l’espace-temps.

Il y a cependant une autre raison qui me pousse à insister sur ce concept. Les êtres humains produisent continuellement des représentations de l’espace, et parler de l’« espace-temps » nous le rappelle bien plus directement que l’« espace ». Les représentations de l’espace – images, logiques, explications des relations et des rapports spatiaux – doivent être l’objet d’une attention critique car (comme l’a montré Henri Lefebvre) elles contribuent à la production de l’espace au moins autant que les perceptions, les actes physiques, les interactions de la vie quotidienne et les luttes concertées. Alors que les êtres humains les produisent et les utilisent pour s’orienter, ils risquent aussi d’être dominés par elles, parce que les représentations, forgées par idéologie, tendent à contrôler, à normaliser et à normer les usages de l’espace dans la vie quotidienne (par exemple, en permettant l’accès à un lieu à certaines personnes tout en en excluant d’autres). Bien sûr, elles déterminent la plupart des processus de territorialisation, en commençant avec le traçage de frontières et finissant par l’édification de murs.

Une telle notion d’espace-temps a deux implications pour les pratiques cartographiques. Premièrement, en nous concentrant sur l’espace-temps, nous sommes obligées de chercher des approches qui permettront aux points de vue, aux connaissances, aux préjugés des gens de s’imprimer sur la carte et d’être exprimés à travers elle. Mais deuxièmement, étant donné que les représentations de l’espace-temps, tout comme les pratiques quotidiennes et les interactions sociales, sont également susceptibles de changer sous l’influence d’un mouvement augmenté, nous devons porter une attention particulière à la lecture des cartes des personnes-en-mouvement. Il ne suffira pas de cartographier des transferts saisonniers, des sites visités par les navetteurs, des distances parcourues ou des vitesses atteintes, par exemple, pour documenter et comprendre leur(s) espace(s)-temps. Mes expériences avec des migrants circulaires, saisonniers et temporaires au Bangladesh et dans les états indiens du Bengale occidental et du Kerala, résonnent avec ce que le philologue romaniste Ottmar Ette a soutenu au regard des « littératures sans domicile fixe ». Ette écrit que

de ces localités, lieux et espaces doublés, émergent des dynamiques mobiles. Ces dynamiques transforment à nouveau les structures fixes [du récit] et les transforment en structures ouvertes, semblables à des flèches, que j’appelle vectorisées ou vectorielles. Un système mobile de coordonnées apparaît dans le récit, un système dans lequel l’expérience passée crée des lieux, où les espaces se développent à partir du mouvement, où le passé se développe à partir du fait d’avoir été vécu et le présent à partir du processus de devenir futur. Elles forment un réseau mobile dans lequel ... les mouvements du passé ne peuvent être séparés des mouvements du futur ... La vectorisation, le stockage de modèles de mouvements anciens (et même futurs) qui refont surface dans les mouvements actuels, là pour être expérimentés à nouveau, va bien au-delà de l’expérience individuelle dans le passé et le futur. La vectorisation englobe une zone d’histoire collective dont elle stocke les schémas de mouvement dans un champ post-euclidien de vecteurs discontinus et réfractés à plusieurs reprises. (Ette 2016 : 3, ma traduction)

Cette vectorisation de l’espace est un effet de la translocalisation. Si, comme le suggère Ette, la tâche de la littérature à l’époque de la translocalisation est de fournir un lieu de stockage pour des structures vectorisées qui contiennent en elles-mêmes les espaces-temps passés, présents et futurs, quel rôle l’ethnographie et la cartographie peuvent-elles jouer ? Lors du travail de terrain, je me suis appuyée sur le « travail de mémoire » qui est activé pendant de simples conversations (contrairement aux entretiens, en particulier les entretiens structurés) et de diverses expériences avec des cartes mentales (Lynch 1960). Pendant ces séances, plusieurs personnes fusionnaient leurs représentations du passé, du présent et du futur dans leurs récits et illustrations.

Tous les matins à 3 heures, Badal se rend en train à Kolkata pour vendre ses fleurs sur le marché central de la ville ; il revient par le train de 9 ou 10 heures et consacre le reste de la journée à la culture. Son « expérience de la région » est fortement déterminée, et minée, par cette routine physiquement très exigeante.
© Elisa T. Bertuzzo 2013.

Selon Henri Bergson (1889-1970), la seule façon de traiter le mouvement est de se concentrer sur sa perception corporelle et cette observation conduit à un deuxième élément de mon travail de terrain : l’examen des effets du mouvement sur les corps des personnes en mouvement. La théorisation de Bergson partait de l’affirmation de Maurice Merleau-Ponty selon laquelle le mouvement d’une pierre « est » la pierre en mouvement - en d’autres termes, on ne peut comprendre le mouvement qu’à partir de sa propre perspective par rapport à un objet en mouvement (Merleau-Ponty 1976). Lors de mes recherches, cela s’est traduit par la décision de suivre des personnes-en-mouvement à travers toutes les phases et étapes de leur voyage, en abandonnant l’idée que mon travail était une entreprise individuelle et solitaire. Le processus de cartographie s’est ainsi « collectivisé » : en plus des exercices de cartographie mentale, j’impliquais les personnes dans des discussions sur les régions dans lesquelles elles voyageaient, sur le territoire et ses représentations dans les cartes commerciales et les cartographies académiques, ainsi que dans mes propres croquis. À travers cette approche, nos connaissances régionales, nos expériences, nos imaginaires, nos préjugés et nos craintes purent lentement converger. Chaque fois que les participants commençaient à parler de notre ou même de leur carte (plutôt que de ma carte), chaque fois qu’ils étudiaient nos mouvements sur mon appareil GPS ou me rappelaient de vérifier l’état de la batterie de mon enregistreur audio, j’approchais un petit peu d’une compréhension relationnelle de ce qu’est le mouvement. Ces rencontres et les frictions qu’elles ont parfois engendrées – par exemple, lorsque les perceptions individuelles d’une distance parcourue différaient fortement, ou lorsque les significations d’« ici » et de «  » devenaient floues et s’interchangeaient au fur et à mesure que le voyage avançait – ont fortement influencé mes choix concernant la stratégie de cartographie que je devais suivre [6].

Vue d’ensemble des voyages entrepris pendant mes recherches en Inde et au Bangladesh.
Graphique : Hans Hortig © Elisa T. Bertuzzo 2019.

La relativité des distances géographiques dans la perception des personnes-en-mouvement

Il s’ensuit que l’expression « cartes en mouvement » ne fait pas référence à des artefacts physiques ou à des cartes imprimées à emporter lors d’un voyage : il s’agit de représentations d’un espace-temps vectorisé qui sont constamment produites, reproduites, remodelées et ajustées par des personnes translocales. Sur le terrain, des circonstances sociales très éphémères, qui changeaient aussi vite et aussi souvent que les acteurs changeaient, ont nécessité plusieurs adaptations. Par exemple, l’une de mes questions de recherche concernait la manière dont les régions et les paysages sont perçus lorsque l’on se déplace. J’avais donc prévu d’impliquer les personnes-en-mouvement que je rencontrais dans des conversations pertinentes au cours des voyages, mais cela s’avérait vite impossible, car les moyens de transport que nous utilisions étaient généralement très encombrés et les voyages souvent risqués. Entre-temps, je collectai des « cartes mentales » que j’avais l’intention d’analyser afin de mettre en lumière l’appartenance territoriale, les références spatiales, l’orientation et les connaissances régionales de mes interlocutrices et interlocuteurs. À ma grande surprise, au cours de ces séances de dessin (qui donnaient régulièrement lieu à des récits détaillés), plusieurs participants mentionnaient des caractéristiques du paysage qu’ils connaissaient ou dont ils se souvenaient en passant, ce qui m’amenait à réaliser que les « cartes mentales » pouvaient également être utilisées pour étudier la perception du paysage en mouvement.

Des mois plus tard, ces mêmes cartes devenaient une source d’informations supplémentaires. Tout au long du travail de terrain, j’avais enregistré mes déplacements à l’aide d’un GPS afin de mettre ces données à la disposition d’une équipe de cartographes et de concepteurs qui m’aidaient dans mes recherches à Berlin. Au cours de l’une de nos séances de travail, l’un des collaborateurs eut l’idée de juxtaposer les « cartes mentales » et les représentations cartographiques numériques des trajets. Les divergences et les correspondances ainsi mises en évidence nous montraient que la perception des territoires est directement influencée par le temps nécessaire pour les parcourir [7]. Il est bien connu que lorsque nous dessinons des « cartes mentales », nous consignons généralement la vitesse de déplacement de A à B plutôt que la distance réelle (Lynch 1972). Cependant, le rôle du temps n’avait pas été proéminent dans une recherche sur les représentations de l’espace par des populations installées de manière plus ou moins permanente que j’avais précédemment conduite à Dhaka (Bertuzzo 2009). J’en conclus que l’expérience de l’espace-temps faite par les personnes-en-mouvement est vectorisée de façon spécifique. Bien plus que les citadins, ces personnes ont besoin de développer des solutions contingentes, en fonction d’options de voyage qui varient constamment et de fréquentes fluctuations du travail, ainsi que de la rétribution : un plan de déplacement bien réglé, une arrivée précoce ou la capacité d’anticiper la fin de la saison agricole peuvent faire toute la différence. D’un autre côté, une mousson retardée, un brouillard particulièrement tenace ou une grève des chemins de fer peuvent causer des pertes sévères.

La carte reproduite ci-dessous est un bon exemple de cela :

Lorsque je demandai à Badal de reconstituer l’espace-temps de son trajet quotidien vers Kolkata - un voyage de trois heures commençant à 2 heures du matin, suivi de trois heures et demie passées à vendre ses fleurs cultivées sur le marché aux fleurs, emblématique de la ville, puis d’un retour à 9h30 - il commença par dessiner sa maison, son trajet à vélo de Keshapat à la gare (Panskura) et la voie ferrée jusqu’à la gare d’Howrah. Il nota que le trajet jusqu’à la gare est devenu un peu plus rapide depuis que la route a été goudronnée. Si l’on compare maintenant son trajet de la maison à la gare avec celui du train, le premier semble presque deux fois moins long que le second : en fait, il ne fait que six kilomètres environ, alors que le trajet jusqu’à la ville est de soixante-dix kilomètres.

Pour comprendre pourquoi la longueur peut être secondaire pour le dessin de Badal, il faut prendre en considération les modalités et circonstances de son voyage : son trajet de la maison à la gare dure 40 minutes sur un vélo chargé de pas moins de 50 kilogrammes de fleurs, alors que pendant le trajet en train, généralement d’1 heure 45 minutes, Badal dort la plupart du temps. Quant aux lignes éparses qui donnent au dessin l’aspect d’une partition musicale, elles ne représentent pas des gares importantes sur le trajet, mais des ponts et des marchés aux fleurs. Cela reflète une attention et une perception de l’espace propre à la région : dans un paysage traversé par d’immenses rivières et sujet à des inondations saisonnières, les ponts sont des points de repère cruciaux, très caractéristiques, mais parfois embouteillés ou inutilisables. D’autre part, les marchés aux fleurs représentés sur la carte sont des marchés où Badal s’arrête et vend ses fleurs à chaque fois que son train est retardé ou annulé à cause d’accidents ou d’inondations.

Les « cartes mentales » de ce type manifestent la relation « fluide » que les personnes-en-mouvement entretiennent avec les lieux, non pas en tant que points fixes dans une topographie définie, mais en tant qu’éléments de configurations mobiles ancrés dans la mémoire, dans une expérience incarnée du mouvement. Ces cartes manifestent également une relation avec le territoire qui est souvent explicitement, bien qu’individuellement, « orientée » : en superposant la carte de Badal et une image satellite de la zone qu’il traverse, je me suis, par exemple, rendue compte qu’il ne plaçait pas le nord en haut, mais en bas de la feuille. Le même effet se retrouve dans la « carte mentale » de Milton.

Travaillant comme transporteur de légumes dans sa jeunesse, Milton avait parcouru tout le Bangladesh à bord de camions, camionnettes et bus. Lorsque je lui demandai de dessiner une carte à partir de ses souvenirs de l’époque, il produisit, bien qu’il n’ait jamais vu de carte de son pays, une carte presque parfaitement fidèle à sa topographie, bien qu’avec le sud en haut et le nord en bas. C’est comme si, pour Milton comme pour Badal, l’océan (qui constitue la limite sud du Bangladesh et du Bengale occidental) devait être « en haut », là où la terre se termine et l’horizon s’élargit.

Des cartes narratives

Je voudrais maintenant discuter certaines implications de ce que l’on appelle l’élément « narratif » des cartes. Dans son livre L’invention du quotidien. Arts de faire, Michel de Certeau (1988) soutient que la fonction des cartes jusqu’au Moyen Âge n’était pas de localiser des lieux ou de délimiter des frontières, mais de raconter. Telles des scénographies, elles aidaient les voyageurs-conteurs à représenter et à raconter les événements survenus au cours de leurs voyages. Dans le jargon contemporain, je pourrais dire que les cartes sont des « journaux » d’itinéraires, mais je préfère le terme de « scénographie » car il traduit également leur grande spécificité en tant que récits : contrairement à la plupart des narrations, les cartes reposent sur des corrélations visuelles et non sur une concaténation logique. En d’autres termes, l’acte de voir, en plus ou parallèlement à celui de raconter des histoires, est constitutif à la fois de la cartographie et de l’acte de regarder des cartes - où je remplace délibérément par le verbe « regarder » l’expression plus courante de « lire » des cartes. Précisément dans cet esprit, de Certeau note que souvent, lorsque nous dessinons une carte ou que nous en expliquons une à d’autres, nous fermons les yeux pour « visualiser » la localité que nous souhaitons dessiner.

Le lien entre histoires et cartes m’apparut évident déjà dans le contexte de mes premières recherches à Dhaka. Lorsque je demandais aux gens de dessiner une carte de la ville, la plupart d’entre eux commençaient presque automatiquement à me parler de l’aspect passé de leur quartier ou de leur rue et à raconter, ou des événements historiques qui s’étaient produits dans certaines zones, ou leurs expériences personnelles (passées et actuelles) dans des localités données. Au cours de la recherche sur la translocalisation, la carte mentale de Kartik me rappelait cela [8].

Kartik travaille comme charpentier dans une entreprise publique du centre de Kolkata ; lorsque, pendant la pause déjeuner, je lui demandait s’il pouvait dessiner sa routine de voyage, il nous conduisit prudemment loin de la route, dans la salle de réception de l’entreprise. Voyant que nous avions affaire à des feuilles de papier, le gardien n’osait demander ce que nous faisions, comme il l’avait fait les fois précédentes - et en fait, il suivit avec attention notre conversation. Tout en créant sa « carte mentale », ce qui prit plus d’une heure, Kartik nous parlait de fonctionnaires corrompus du panchayat [9] qui détournaient les fonds destinés aux travaux publics dans le village, de la piscine communale qui avait été financée par les dons des habitants et de la nouvelle unité de stockage de pommes de terre parrainée par le gouvernement central. Il nous emmenait également dans le district de Barddhaman le long de la nouvelle ligne de chemin de fer Cord Line, s’attardait sur les nombreux rituels qui nécessitent de l’eau du Gange (qu’il allait régulièrement chercher sur un ghat, ou escalier, en face de la gare de Howrah pour le compte de ses voisins) et reconstituait des histoires et légendes de certains des monuments et bâtiments les plus représentatifs qui jalonnaient son parcours quotidien entre la gare de Howrah et le centre-ville de Kolkata.

Cette nature narrative des cartes invite à des adaptations fictives ou imaginatives ainsi qu’à des interprétations performatives, telles que réalisées au cours des dernières décennies par de nombreux artistes, dont Yoko Ono et Alexander Kluge, ainsi que par des activistes (Obrist 2014 ; kollektiv orangotango+ 2018). Lors des nombreux exercices de cartographie que j’ai initiés, les participants intégraient dans leurs histoires et leurs dessins des informations qui me fournissaient des informations importantes et parfois émouvantes sur ce qu’ils souhaitaient ou imaginaient être leur environnement ; un désir presque lefebvrien transpirait. Par exemple, dans la « carte mentale » de Dhaka dessinée par Farah :

Farah, écrivaine et chercheuse, transformait l’espace urbain en une série d’événements animés, de promesses d’aventures et de commentaires ironiques. Au moment de nos conversations, elle se rendait quotidiennement en voiture de son domicile de Baridhara à un hôpital privé de Dhanmondi pour y recevoir un traitement médical. Lorsque la circulation était dense, il fallait plus de deux heures pour parcourir la distance d’environ 11 kilomètres et elle, profitant du luxe d’avoir un chauffeur, mettait ce temps à profit pour réfléchir et chercher des endroits qui stimulaient son imagination. En effet, elle put me donner un aperçu vivant et très personnel d’une ville qu’elle vivait presque exclusivement à l’intérieur d’une voiture.

Lorsqu’elle réalisait sa carte, Farah se laissait aller à partager ses opinions et ses critiques. Entre autres, les panneaux publicitaires accrochés le long de l’une des autoroutes les plus fréquentées de Dhaka lui donnaient-ils une occasion de dénoncer la croissance économique inégale du pays ; le commentaire sur le jardin du parlement (« Gardens ! But do not play here ») traduisait sa frustration à l’égard de la démocratie bangladaise en difficulté ; et la représentation de la Grameen Bank et du siège de l’ONU, proches l’un de l’autre, pourrait bien refléter le rôle hégémonique joué par ces institutions dans le pays (Roy 2010). L’opinion de Farah sur leur performance est assez facile à deviner à partir de l’étiquette attachée aux « bidonvilles » dessinés à côté du bâtiment de l’ONU, où elle avait travaillé dans le passé : « reality check » (rappel à la réalité). Les mentions récurrentes d’arbres, de jardins et de lacs expriment également son amour et une profonde nostalgie pour les espaces naturels perdus dans une ville dont la croissance a causé d’immenses dommages à l’environnement. Néanmoins, l’urbanisation aussi multiplie les chances de rencontrer d’autres personnes et de s’intéresser à elles, à leurs vies, à leurs histoires, comme le disait Farah : « La voiture s’enlise et j’ai le sentiment que ça me donne une bonne raison de regarder quelqu’un. Nous, les Bengalis, sommes des gens émotifs et sentimentaux, nous aimons presque la tristesse romantique. En fait, cela sauve la ville ! »

Le « tournant motionnel » et son incidence sur la cartographie

L’hypothèse discutée dans cet essai est qu’à une époque de mobilité accrue où la pratique quotidienne et la production de l’espace sont de plus en plus déterminées par le mouvement, la société subit une translocalisation complète. Un tel processus brouille les directions classiques de la migration (par exemple, rurale-urbaine) et, en termes territoriaux, implique la disparition des centralités fixes. Pour le discours et la pratique académiques, en particulier ceux de la migration et des études urbaines, il crée la nécessité de repenser et d’ajuster plusieurs hypothèses de base et les outils empiriques. Ceci, comme je l’ai déjà suggéré par ailleurs (Bertuzzo 2012), semble nous permettre de concevoir un véritable « motional turn ». Ma réflexion sur ce processus et ses implications est basée sur un travail de terrain au Bengale occidental, au Kerala et au Bangladesh, où j’ai suivi des personnes translocales qui, dans des conditions relativement extrêmes, ont adapté leurs moyens de subsistance afin d’être aussi (efficacement) mobiles que possible, leur vie en mouvement influençant clairement leurs représentations de l’espace et du temps. Mais comme ceux observés dans des contextes euro-américains, leurs déplacements sont liés à un processus commun et sous-jacent d’expansion, expulsion et épuisement. Ceci fait de la translocalisation une hypothèse potentiellement globale.

Afin d’étudier cette adaptation progressive avec les moyens de la cartographie, il est important de « temporaliser » les cartes, en intégrant le temps dans de nouvelles cartographies. Une tâche que j’ai déduite des « cartes mentales » en général et de celles des personnes-en-mouvement en particulier, consistait à apprendre à réinterpréter les cartes comme des récits : des récits dans lesquels les nouvelles et anciennes représentations spatio-temporelles sont négociées. Une autre leçon essentielle que j’ai tirée de mes expériences de cartographie avec des personnes-en-mouvement - en particulier des récits de cartographie tels que ceux de Kartik – est que la cartographie est plus importante que les cartes. En d’autres termes, nous devrions enregistrer et mettre en avant les explications, les valeurs et la sagesse exprimées par les participantes lors de la cartographie, plutôt que de considérer uniquement le produit final de leurs exercices. Si l’espace-temps est de plus en plus perçu, vécu et représenté sous l’angle du mouvement, si les localités et les emplacements peuvent être constamment modifiés (à l’exception de la « maison » qui, dans mes recherches, représentait le point de départ des exercices de cartographie de chaque partenaire) et deviennent en fait « mobiles » pour des personnes qui se déplacent constamment pour gagner leur vie, et si toute cette mobilité met en péril les chances et les capacités des êtres humains à s’approprier, à façonner et à produire l’espace social, alors leurs idées, leurs expériences quotidiennes et leurs désirs, exprimés au cours des conversations et des exercices de cartographie, peuvent jouer un rôle de plus en plus important pour affirmer que cet espace-temps vectorisé a plusieurs visages, qu’il est facile à manipuler, et donc, qu’il est aussi plus modifiable que certains idéologues et politiciens veulent nous le faire croire.

Interprétation artistique de la carte mentale d’un participants par l’artiste Sambaran Das.
© Elisa T. Bertuzzo 2019.

Le fait que les représentations spatio-temporelles soient plurielles implique que la cartographie ne peut pas avoir un modus operandi universel et préétabli. Il y a tout simplement de nombreuses façons de cartographier. Certains diront que je surestime les « cartes mentales », que des dessins épars ne peuvent rivaliser avec des cartes contenant des informations géographiques précises. Mais comme je l’ai mentionné, la nature visuelle et « synthétisante » de toutes les cartes – quelle que soit la manière dont elles sont produites – implique qu’elles sont à apprécier comme les peintures ou les photographies : dans le cadre d’un processus cognitif qui prend en compte l’ensemble de l’image à la fois, et dans lequel la personne observatrice met en corrélation simultanément chaque élément d’information, chaque ligne et chaque courbe qui la compose. C’est précisément pour cette raison que nous reconnaissons d’un seul coup d’œil que la carte du Bangladesh produite à l’aide de technologies sophistiquées et la carte dessinée par Milton à l’aide d’un simple crayon représentent la même entité.

De plus, à une époque où l’idée d’un espace géographique « fixe » est de plus en plus remise en question par l’augmentation des mobilités et où l’instabilité caractéristique d’une telle situation conduit beaucoup de personnes à réclamer des frontières plus claires et de nouveaux murs, opposer aux représentations officielles et « scientifiques » de l’espace des rendus divergents, voire plus ambigus, de l’espace-temps vectorisé, est un acte de résistance à la domination. Avec l’aide de l’imagination et du désir, elles peuvent nous être utiles pour changer l’espace.

Références

Bergson, Henri (1970) [1889] Essai sur les données immédiates de la conscience, 144th reprint. Paris : Les Presses universitaires de France.
Bertuzzo, Elisa T. (2009) Fragmented Dhaka. Analysing Everyday Life with Henri Lefebvre’s Theory of Production of Space. Stuttgart : Franz Steiner Verlag.
Bertuzzo, Elisa T. (2012) “Motion at Large : Für eine Kulturwissenschaft der Bewegung“, in H. Dilger and B. Hoffmann, eds., Räume durch Bewegung. Ethnographische Perspektiven auf eine vernetzte Welt. Berlin : Panama Verlag, 110–118.
Bertuzzo, Elisa T. (2019) Archipelagos. From Urbanisation to Translocalisation. Berlin : Kadmos.
Bertuzzo, Elisa T. (2023). „People-on-the-move : An emerging historical figure ?“, in S. Goumegou/S. Thies, eds., Handbook of Contested Subjectivities in the Global South. New Delhi : Routledge India [paraîtra en fin 2023]
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Elisa T. Bertuzzo


[1Elisa T. Bertuzzo est basée à Berlin. Dans ses textes scientifiques et littéraires, son enseignement et ses collaborations curatoriales, elle s’intéresse aux aspects sous-représentés de la solidarité, de la résistance et de l’auto-organisation des communautés marginalisées et migrantes d’Asie du Sud. Voir : “Creolized Technologies of Demoralization” et “Notes and Remarks on Mapping for Change”.

[2Voir TRIALOG 116/117, `Multilocality`(Bornberg et al. 2016).

[3Je traite des implications épistémologiques possibles dans ma dernière monographie, Bertuzzo 2019.

[4Sans parler des millions de personnes qui fuient actuellement les guerres et les conflits armés provoqués par l’expansion capitaliste qui entraîne des expulsions.

[5Selon des économistes indiens, par exemple, l’automatisation est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi n’a pas réussi à favoriser la création d’emplois au cours de son premier mandat, de 2014 à 2019 (Sengupta 2016 ; Narayan 2017). Comme le montrent de nombreuses études et observations de la vie quotidienne, en raison des effets combinés de l’externalisation, de l’austérité et de la numérisation, les emplois sont devenus rares, y compris dans les pays dits industriels (Milanovic 2017).

[6Ces questions et d’autres liées au développement empirique du projet sont rapportées en détail dans Bertuzzo 2019.

[7Je renvoie aux archives en ligne du projet de recherche Archives of Movement, particulièrement à la section 3.1. « Mental Map ».

[8Sauf pendant les quatre à six semaines par an où les semailles et la récolte du riz, des pommes de terre, du curcuma et des arachides l’obligent à rester à la maison et à travailler dans ses champs, Kartik fait quotidiennement la navette entre son village, Enayetpur, et Calcutta pour son travail de menuisier dans une grande entreprise.

[9Le panchayati raj est un modèle de administration décentralisée et d’autonomie, dont l’unité opérationnelle de base est le gram panchayat ou conseil de village.


Image du bandeau : Détail d’une carte emo-somatique du travail de terrain.
Photographies et cartes : Elisa T. Bertuzzo.
Traduction : Nepthys Zwer et Elisa T. Bertuzzo.
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